Le nombre de jeunes entrés en apprentissage a atteint 368.800 en 2019, en progression de 16 %, un niveau record. Cette progression a profité à tous les secteurs. Le ministère du Travail met en avant les effets de sa réforme, ce que les régions contestent. Une chose est sûre : les regards changent sur cette forme d’enseignement.

L’apprentissage, voie enfin royale ? On n’en est pas encore là mais, indiscutablement, cette forme d’enseignement, qui mêle cours généraux et pratique en entreprise, bénéficie d’un vent porteur. Le nombre de jeunes qui l’ont choisie a atteint 368.800 l’année dernière, dont 353.000 dans le privé, soit 51.000 de plus qu’en 2018 ou encore +16 %. Cette hausse jamais observée dans le passé a profité à tous les secteurs, industrie (+11 %) ou BTP (+13 %) en particulier, à tous les niveaux de diplômes, CAP et bac pro inclus alors qu’ils piquaient du nez ces dernières années, et à quasiment tous les départements. Résultats, on comptait 491.300 apprentis fin décembre. Et encore, nombre de contrats n’ont pas été enregistrés. La barre jamais franchie des 500.000 apprentis pourrait être atteinte prochainement.

Critiquée pour ses propos sur  le congé pour deuil d’un enfant , la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, n’a pas boudé son plaisir en présentant ces chiffres ce mardi matin. Entourée de jeunes, de directeurs de centre de formation d’apprentis (CFA), de chefs d’entreprise, de représentants des opérateurs de compétences OPCO ou encore de médaillée des WordSkills de Kazan, elle y a évidemment vu les effets de  sa réforme, là où les gouvernements précédents ont en partie échoué. « Historique », a-t-elle tweeté, soulignant que tous les freins à l’apprentissage avaient été levés.

Simplification indéniable

Portée par  la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de septembre 2018, la réforme a  libéralisé l’ouverture des CFA en sortant les régions du jeu et dynamité le circuit tortueux de la taxe d’apprentissage : à chaque fois qu’un jeune signe un contrat, son financement est garanti selon un barème établi par les branches professionnelles par diplôme ( les fameux coûts-contrats ).

La simplification et l’intérêt financier du nouveau système sont indéniables, en témoignent les nombreuses créations de CFA d’entreprise et le soutien unanime de toutes les grandes fédérations professionnelles. C’est le cas notamment de la métallurgie qui vise une augmentation de 50 % du nombre de ses apprentis (de 50.000 à 75.000).

Phase de transition complexe

« La fin de la carte de formation a débridé les initiatives », a déclaré David Derre, directeur emploi formation de la métallurgie (UIMM) la semaine dernière lors des universités d’hiver de la formation à Biarritz. Quitte, a-t-il ajouté, à ce que les CFA adaptent leur modèle économique. Sceptiques au départ, les artisans et leur grosse centaine de CFA ont demandé à bénéficier des changements plus tôt que prévu quand ils ont réalisé où était leur intérêt. Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) s’y mettent aussi comme le secteur du sport.

Peut-on pour autant tout mettre au crédit de la réforme ? Si l’apprentissage progresse, c’est d’abord et avant tout parce que les entreprises embauchent. Qui plus est, la réforme en est encore à ses débuts,  après une phase de transition complexe qui touche à sa fin . Toujours vexées d’avoir été expropriées d’une de leurs compétences, les régions ne manquent pas de rappeler qu’ils étaient en charge jusqu’au 31 décembre. Dans un communiqué cinglant, publié avant même que les chiffres soient rendus publics, elles ont  dénoncé les « mensonges » de la ministre du Travail, revendiquant la paternité des résultats.

L’image change

Le boom des contrats en 2019 pourrait aussi s’expliquer, en partie, par un début de transfert des contrats de professionnalisation (une autre forme d’alternance) vers l’apprentissage, la formule étant plus avantageuse financièrement.

Une chose fait en tout cas l’unanimité, que l’on peut attribuer au bruit qui a accompagné la réforme : le regard sur l’apprentissage change en bien, comme le souligne Eric Chevée, vice-président chargé des affaires sociales pour la CPME. Attention, « quantité doit aller avec qualité », prévient Aurélien Cadiou, le président de l’Association nationale des apprentis de France, inquiet du désengagement de certaines régions en matière d’aides à l’hébergement ou au transport.

Source : Les Echos